Peut-on rire de tout ?

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À la question "Peut-on rire de tout ?", Pierre Desproges répondait "oui, mais pas avec n'importe qui". Et dans les faits, qu'en est-il réellement ?

Cette grande question digne d'une dissertation de philosophie revient régulièrement sur le devant de la scène et continue à être source d'indignation, d'agitation et de vives réactions de la part des uns et des autres. C'est certain, on aime tous rire... Je dirais même plus, on a tous besoin de rire comme on a besoin de respirer. Lacan y voyait même une thérapie qu'il qualifiait de méthode pour "gué-rire", excusez du peu !

En effet, les multiples vertus du rire ne sont plus à prouver. De nombreuses études de terrain et recherches scientifiques ont ainsi prouvé que le rire est bon pour la santé, permet de réduire le stress et l'anxiété en assurant d'arriver à lâcher prise. Le rire permet de se décontracter et de créer une dynamique positive dans un groupe que ce soit dans le cadre du travail, d'activités associatives et de loisirs pour les adultes comme dans le cadre scolaire pour les plus jeunes.

Selon l'opinion de certains, vouloir contrôler le rire, lui imposer des limites, le censurer selon des critères propres à l'évolution de la société et rester "politiquement correct" serait une menace pour la liberté d'expression. Si l'on s'attache, par exemple, à l'œuvre de Molière (Les Précieuses ridicules, le Misanthrope, l'Avare, le Médecin malgré lui...), on constate que l'aspect comique quelque que peu caricaturé lui permettait de faire une critique des défauts humains en révélant les travers de ses contemporains. Ce n'est pas le premier ni le dernier qui s'est illustré dans cet exercice périlleux et qui a dû faire face aux critiques et à la censure du fait de ses écrits. Pas facile de tendre au public un miroir dans lequel il se voit tel qu'il le désire...

Avoir de l'humour est une qualité, c'est certain... S'il permet la critique, le rire c'est aussi le moyen de faire son auto-critique, rire de soi, de ses propres défauts pour apprendre à relativiser et à réaliser que rien ni personne n'est parfait. Les plaisanteries passent d'ailleurs plus facilement si l'on est soi-même issu du groupe stigmatisé (belges, juifs, handicapés, gros, blondes...) et malgré tout, il apparaît que l'humour grinçant soit mal accepté lorsqu'il devient méchant, moqueur, raciste, discriminatoire, sexiste, stigmatisant et qu'il s'inspire du malheur d'autrui. Ce n'est pas l'humoriste et animateur Tex qui vous dira le contraire : en 2018, suite à une blague douteuse sur les femmes battues, il a été licencié par France 2 et viré de l'émission "les Z'amours" qu'il animait depuis 17 ans.

Pour moi, c'est là que se trouve la limite à ne pas franchir. Les plaisanteries de mauvais goût  qui rabaissent les opprimés et diverses populations stigmatisées déjà en souffrance nourrissent les stéréotypes sur lesquels ils se basent et ne font qu'accroître nos préjugés. Recherches scientifiques à l'appui, il a ainsi été établi que lorsqu'un individu ayant une perception négative d'un groupe de personnes était soumis à un humour désobligeant envers cette même population, il était libéré de ses inhibitions et ressentait une certaine légitimité dans le fait de la discriminer. Par extension on peut appliquer le même principe aux actes de violences commis à l'encontre des noirs, des musulmans, homosexuels, juifs, des femmes et je ne sais quoi encore. Il est bien triste de constater que ces agressions cruelles et totalement gratuites ne font que se multiplier un peu partout au vu et au su de tout le monde.

Pour résumer cette réflexion en 1 seule phrase, je dirais ceci : "Rire avec... c'est cool ! Rire de... beaucoup moins !" Et vous, qu'en pensez-vous ?

Sources et lectures complémentaires :

- L'humour et ses limites - Doctissimo
- Peut-on rire de tous ? Slate.fr
- Peut-on rire de tout ? Dissertation Bac Philo